nutritionniste

L’effet du stress sur l’appétit

À petite dose, le stress pimente notre vie et peut même constituer une source de motivation et d’énergie. En revanche, lorsque le stress est mal géré ou qu’il devient trop grand, il peut entraîner une panoplie d’effets indésirables, notamment sur nos signaux corporels de la faim. Dans cet article, je vous invite à mieux comprendre l’effet du stress sur l’appétit et à découvrir des trucs pour mieux gérer les changements sur votre faim.

 

Le stress, c’est quoi?

Selon le dictionnaire Larousse, le stress est défini comme : « un état réactionnel de l’organisme soumis à une agression brusque »1. C’est donc une réaction physique qui apparaît lorsque nous faisons face à une menace, et qui disparaît lorsque la situation de stress prend fin. C’est ce qu’on appelle le stress aigu, c’est-à-dire un stress de courte durée, qui se caractérise par des symptômes brefs et intenses : palpitations cardiaques, transpiration, bouffées de chaleur, vertiges, maux de tête, maux de ventre, estomac noué, etc2. Le stress aigu, on en vit tous à petite dose et fort certainement à tous les jours. Se disputer avec son conjoint, arriver en retard au bureau, recevoir un appel du directeur d’école, avoir une rencontre avec son patron, présenter devant plusieurs personnes… sont toutes des situations pouvant générer du stress aigu.

Lorsque les situations stressantes persistent dans le temps ou qu’elles se présentent de façon plus régulière, on parle alors de stress chronique. Ce type de stress se manifeste par des symptômes moins intenses que lors du stress aigu, mais qui perdurent plus longtemps : courbatures, problèmes digestifs, troubles du sommeil, anxiété, irritabilité, difficulté à se concentrer, perturbations des signaux de faim, etc3. Diverses situations peuvent mener à du stress chronique comme des frictions constantes avec des collègues, une surcharge de travail ou une insécurité financière.

 

Quand le stress affecte l’appétit

Voyons maintenant pourquoi et comment le stress affecte l’appétit. Selon le type de stress que l’on vit, notre appétit peut être diminué ou augmenté. Pour la plupart des gens, le stress aigu s’accompagne d’une diminution de l’appétit tandis que le stress chronique, a plutôt tendance à faire augmenter l’appétit3-5,7,8. Dans les deux cas, ce sont les hormones responsables des réactions physiques de notre corps face au stress qui vont également modifier nos signaux de faim4. Or, il existe une multitude d’hormones liées au stress, mais les principales sont l’adrénaline et le cortisol. Explorons maintenant leurs effets sur l’appétit.

 

  • Le stress aigu qui diminue l’appétit

Tel que mentionné ci-haut, lors d’un stress de type aigu, la plupart des gens observent une diminution de leur appétit. Pour mieux comprendre comment cela s’opère, voici une mise en situation :

Vous vous promenez sur une route de campagne peu éclairée et vous tombez nez à nez avec un chevreuil. Panique! Votre cœur se met à battre tellement vite qu’il pourrait vous sortir de la poitrine, vos yeux s’agrandissent, votre respiration s’accélère, puis votre estomac semble se crisper. Rapidement, vous réagissez et réussissez à éviter de justesse le chevreuil. Pendant quelques minutes, vous demeurez alerte et sur le qui-vive, puis tranquillement, votre cœur reprend son rythme normal. Vous venez de subir un stress aigu.

 

Instantanément, lorsque vous avez aperçu le chevreuil, votre corps a sécrété de l’adrénaline. C’est cette hormone qui a sonné l’état d’alerte. Son rôle est d’activer le système nerveux sympathique pour vous permettre de combattre ou de fuir le danger (la fameuse théorie de « fight or flight response »5). À ce moment-là, tous les systèmes du corps sont mobilisés. Le rythme cardiaque s’accélère pour distribuer le sang plus efficacement, l’énergie (alias le glucose) se rend plus facilement accessible, les voies respiratoires se dilatent, la respiration s’accélère pour fournir plus d’oxygène aux organes, les sens s’aiguisent, etc.6

Dans un deuxième temps, vous avez senti votre estomac se nouer (la fameuse boule dans le ventre!) et c’est à cause du cortisol. Cette hormone, qui est stimulée par la présence d’adrénaline, orchestre l’utilisation du gras, des protéines et du glucose. C’est le cortisol qui décide où l’énergie s’en va pour répondre aux besoins les plus pressants du corps. En situation d’urgence, c’est habituellement le cerveau et les muscles qui gagnent, c’est-à-dire qui vont recevoir l’énergie pour pouvoir réagir adéquatement face au stress. Du coup, le cortisol délaisse momentanément les organes qui sont moins essentiels, comme ceux du système digestif5,7. C’est pourquoi votre estomac s’est “noué” pour permettre à l’énergie d’aller sur ce qui était pressant : éviter le chevreuil. C’est ce qui explique, notamment, la baisse d’appétit.

 

  • Le stress chronique qui augmente l’appétit

Même si chaque personne réagit différemment face au stress chronique, on remarque une augmentation de la prise alimentaire chez la plupart des gens4. Pour comprendre ce phénomène, reprenons l’exemple du chevreuil. Une fois l’accident évité, l’adrénaline cesse de faire effet et vos sens reviennent tranquillement à la normale. Même si tout s’est déroulé très vite, votre corps a dépensé énormément d’énergie en subissant un stress aigu. Ce n’est pas rien mobiliser un corps en entier! Par la suite, c’est comme s’il tombait en mode convalescence et qu’il cherchait à refaire le plein d’énergie8,9. C’est alors que le cortisol, encore en circulation, va exercer une autre de ses fonctions : sécréter de la ghréline. Or, cette hormone a pour rôle de stimuler nos signaux de faim pour nous inciter à manger.  Dans ce cas-ci, la ghréline nous pousse à refaire nos réserves d’énergie8,9. Il s’agit d’un phénomène tout à fait naturel et hors de notre contrôle.

Le problème, c’est que comme le stress chronique est l’accumulation de nombreuses situations de stress aigu, le cortisol se retrouve à être en permanence en circulation. Par conséquent, il entraîne une sensation de faim élevée de manière prolongée, expliquant pourquoi le stress chronique peut faire augmenter l’appétit de façon continue. Qui plus est, il a été démontré que vivre du stress chronique augmente l’attrait pour les aliments riches en sucres et en gras. Pourquoi? D’abord, parce que ces aliments sont riches en énergie, nous aidant à remplir plus facilement nos réserves. Ensuite, parce que ces aliments sont généralement plus goûteux, offrant plus de réconfort après des événements stressants10. C’est ce qui explique, entres autres, l’attrait pour les aliments sucrés et gras en période de stress continu.

 

Trucs pour mieux gérer l’impact du stress sur l’appétit

Malheureusement, on ne contrôle pas la façon dont le stress affecte nos signaux corporels de la faim. Par contre, on peut apprendre à mieux gérer les situations stressantes afin de limiter les impacts négatifs sur la santé. En attendant, voici quelques pistes de réflexion et des trucs pour vous aider à manger de façon plus agréable lorsque vous vivez des périodes plus difficiles.

Si votre appétit est diminué :

  1. Tentez de manger plusieurs petits repas pendant la journée plutôt que 3 gros repas. Les repas plus légers sont moins intimidants et plus faciles à manger. Vous pouvez même miser sur plusieurs collations si l’appétit n’est vraiment pas au rendez-vous. En mangeant de petites portions, cela vous assure un apport constant en énergie tout au long de la journée.
  2. Choisissez des aliments que vous aimez. L’objectif, c’est de manger. Ainsi, allez-y avec ce qui vous fait plaisir. Bien souvent, les aliments frais et liquides sont bien appréciés. Si c’est votre cas, pensez à vous préparer un smoothie nourrissant que vous pourrez siroter tranquillement durant la journée.
  3. Stimulez votre plaisir de manger. Mettez de la musique, sortez votre belle vaisselle, mangez en bonne compagnie, cuisinez avec vos épices préférées… tout ça peut contribuer à favoriser le plaisir de manger.
  4. Dansez, marchez, nagez, pédalez… bougez! Non seulement l’activité physique est bénéfique pour réduire le stress, elle peut augmenter votre appétit.

 

Si votre appétit est augmenté :

  1. Débutez par identifier la source de votre stress (ex. le travail, la famille), et tentez de trouver des solutions pour atténuer ces situations anxiogènes (ex. parler à votre patron, mieux partager les tâches familiales entre vous et votre conjoint).
  2. Ensuite, tentez de manger des aliments aussi nourrissants et soutenants que possible. Pour vous aider, inspirez-vous de l’assiette équilibrée du Guide alimentaire canadien, en optant à chaque repas pour des légumes et fruits, des aliments à grains entiers et des sources de protéines (ex. poisson, tofu, œufs).
  3. Comme votre appétit semble sans fin, essayez d’atteindre un horaire de repas régulier, soit 3 repas par jour et, au besoin, des collations. En alimentant régulièrement votre corps tout au long de la journée, vous risquez de moins ressentir l’envie de manger excessivement.
  4. Tentez de trouver des sources de réconfort autres que la nourriture. Par exemple, lorsque vous ressentez la pression monter quand vos échéanciers semblent arriver trop vite, aérez votre esprit en prenant une bonne marche, parlez à une amie, faites une courte méditation, faites jouer votre chanson préférée et dansez; faites-vous du bien.

Dans tous les cas, que vous sentiez votre appétit coupé ou amplifié, tâchez de rester bienveillant : le stress que vous vivez et vos réactions à ce stress sont valables et tout à fait normaux. N’hésitez pas à consulter un.e nutritionniste : il/elle pourra vous aider à travailler vos inquiétudes en rapport à l’alimentation.

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Merci à Andréanne St-Pierre, étudiante en nutrition à l’Université McGill, pour sa collaboration à cet article.

 

  1. Dictionnaire de français Larousse. (n.d.). Définitions: Stress. Retrieved October 24, 2022, from https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/stress/74848
  2. À propos des troubles anxieux. (n.d.). Retrieved October 24, 2022, from https://www.quebec.ca/sante/conseils-et-prevention/sante-mentale/informer-sur-troubles-mentaux/troubles-mentaux/troubles-anxieux/a-propos-troubles-anxieux
  3. Olpin, Hessen (2016). Stress Management for Life: A Research-Based Experimential Approach, Fourth Edition. Cengage.
  4. Takeda, E., Terao, J., Nakaya, Y., Miyamoto, K., Baba, Y., Chuman, H., Kaji, R., Ohmori, T., & Rokutan, K. (2004). Stress control and human nutrition. The Journal of Medical Investigation, 51(3,4), 139–145. https://doi.org/10.2152/jmi.51.139
  5. Neuropathies autonomes—Troubles du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs. (n.d.). Manuels MSD pour le grand public. Retrieved October 24, 2022, from https://www.merckmanuals.com/fr-ca/accueil/troubles-du-cerveau,-de-la-moelle-%C3%A9pini%C3%A8re-et-des-nerfs/troubles-du-syst%C3%A8me-nerveux-autonome/neuropathies-autonomes
  6. Comment savoir si l’on souffre de stress aigu ou de stress chonique ? (2020, August 29). juste au corps*. https://www.justeaucorps.com/stress-aigu-vs-stress-chronique/
  7. Understanding the stress response. (2011, March 1). Harvard Health. https://www.health.harvard.edu/staying-healthy/understanding-the-stress-response
  8. Hewagalamulage, S. D., Lee, T. K., Clarke, I. J. & Henry, B. A. (2016).Stress, cortisol, and obesity: a role for cortisol responsiveness in identifying individuals prone to obesity, Domestic Animal Endocrinology.
  9. Azzam, I., Gilad, S., Limor, R., Stern, N., & Greenman, Y. (2017). Ghrelin stimulation by hypothalamic-pituitary-adrenal axis activation depends on increasing cortisol levels. Endocrine connections6(8), 847–855. https://doi.org/10.1530/EC-17-0212
  10. Reconnaître les différentes formes de stress. (n.d.). FFC. Retrieved October 24, 2022, from https://fedecardio.org/je-m-informe/reconnaitre-les-differentes-formes-de-stress/

 

 

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