nutritionniste

L’ÉVOLUTION DES GUIDES ALIMENTAIRES CANADIENS

Depuis sa première édition parue en 1942, le Guide alimentaire canadien a connu neufs mises à jour qui ont marqué l’histoire nutritionnelle au Canada. Il est intéressant de voir comment les époques et l’évolution de la science de la nutrition ont influencé les grandes recommandations alimentaires au pays. À travers cet article, je vous invite à voyager dans le temps et à découvrir la fascinante histoire des guides alimentaires canadiens.

1942 : Règles alimentaires officielles du Canada

C’est durant la Deuxième Guerre Mondiale que le premier guide alimentaire a vu le jour au Canada. Le but était de fournir des recommandations aux Canadiens pour maintenir un bon état nutritionnel et améliorer leur santé, dans une période où le rationnement et la pauvreté étaient omniprésents. Le guide comportait 6 catégories : Lait, Fruits, Légumes, Céréales et Pain, Viande et poisson et finalement, Oeufs. Puisque certains aliments, comme le lait, étaient plutôt des denrées rares en temps de guerre, le Conseil canadien de la nutrition avait décidé que pour une bonne santé, ces règles devaient être respectées pour 70% de l’alimentation.

Vous remarquerez l’importance mise sur les portions et le choix de certains aliments. Par exemple, on recommandait de manger quotidiennement une portion de pomme de terre ainsi que deux autres portions de légumes, idéalement vert feuillu ou jaune, et de les consommer régulièrement crus. C’est quand même surprenant de voir que, déjà à cette époque, on préconisait la consommation de fruits et légumes aux couleurs variées. Il est aussi intéressant de lire la note concernant la vitamine D. On y indiquait que les sources de vitamine D, comme l’huile de foie de poisson, est essentielle pour les enfants et souhaitable pour les adultes. En 1942, on reconnaissait déjà l’importance de cette vitamine!

   

 

1944 : Règles alimentaires au Canada

Deux ans plus tard, toujours en temps de guerre, les nouvelles recommandations ne reposent plus sur le respect du chiffre arbitraire de 70% mais plutôt sur « l’obtention d’une silhouette tout à fait acceptable » (fully adequate figure). On s’entend que ce genre de mesure ne passerait plus aujourd’hui! D’abord, parce que la plupart des carences en nutriments sont complètement imperceptibles physiquement. Ensuite, parce que la silhouette d’une personne ne reflète pas son état nutritionnel. Voilà un bel exemple dans l’amélioration des connaissances nutritionnelles!

Sinon, parmi les changements principaux, le fromage et les œufs ont joint la catégorie des Viande et Poisson étant donné leur teneur intéressante en protéines. Ce n’est qu’à partir de 1992 que le fromage se trouvera uniquement dans la catégorie des produits laitiers. Dans cette version de 1944, on vient aussi préciser que les femmes enceintes devraient consommer de l’huile de foie de morue pour l’apport en vitamine D.  Qui plus est, la consommation de sel enrichi en iode est recommandé afin d’éviter la carence en ce minéral, laquelle peut se traduire par de l’hypothyroïdie ou un goître, par exemple. Finalement, vous remarquerez l’apparition des illustrations d’aliments, sous forme de petits bonhommes. Que pensez-vous de la pinte de lait qui tient un fusil, lol? Personne ne peut nier qu’une des motivations derrière ce guide était l’efficacité des soldats en cette période de guerre.

 

1949 : Règles alimentaires au Canada

Imaginez un instant que vous revenez d’une grosse journée de travail et votre conjoint(e) vous a préparé un bon repas “parfaitement équilibré” : du foie, des pommes de terre, des fèves jaunes et 2 tranches de pain, accompagné d’un bon demiard de lait (allo les assiettes colorées!). Vous riez, mais il y a 80 ans, c’est exactement le genre de repas qui était recommandé par le Conseil canadien de la nutrition. À la sortie de ce guide, les personnes qui travaillaient dans le domaine de la nutrition préconisaient quand même que « le meilleur moyen de bien se nourrir est de manger une variété d’aliments ». Assez avant-gardiste pour l’époque puisqu’encore de nos jours, la variété est une des recommandations les plus importantes en termes de saine alimentation. Outre le nouveau design, cette version du guide alimentaire est assez similaire à celle de 1944. Il comporte encore les mêmes 5 catégories : Lait, Fruits, Légumes, Céréales et Pain et Viande et Poisson. Enfin, pour la première fois de l’histoire, on recommande la prise quotidienne d’au moins 400 unités internationales de vitamine D durant la grossesse, la croissance et l’allaitement.

 

1961 : Guide alimentaire canadien

C’est en 1961 que le terme « Guide » fait son apparition. On jugeait que c’était moins sévère que « Règles ». En effet, on insistait plutôt sur la flexibilité de ce guide, et aussi sur le fait que ces lignes directrices étaient des recommandations générales. Parmi les principales modifications, on remarque que les portions de lait sont maintenant en tasses plutôt qu’en chopines, et que des apports ont été spécifiés. Par exemple, les enfants étaient encouragés à boire 2 1/2 tasses de lait par jour alors qu’on recommandait aux femmes enceintes et allaitantes d’en boire 4 tasses. On clarifie également le rôle des substituts de viande : « Les œufs, le fromage, les haricots secs ou les pois peuvent être utilisés à la place de la viande ». 

 

1977 : Guide alimentaire canadien

Place au guide le plus coloré et ludique! Avouez qu’il est mignon? Ce guide a marqué plusieurs changements, notamment le fait qu’il comportait 4 groupes plutôt que 5. Les fruits et légumes ont été combinés en une seule catégorie puisque leur valeur nutritive était jugée similaire. Aussi, la catégorie du « lait » a été remplacée par celle de Lait et produits laitiers, offrant maintenant une place au yogourt et au fromage. Enfin, le groupe de la viande a été rebaptisé Viande et substituts, un nom plus long, mais qui incluait plus d’aliments dont les légumineuses, les œufs ou le fromage.

On remarque également un changement dans les recommandations en lien avec les aliments ciblés et les portions. Par exemple, on ne dit plus de manger une portion de pomme de terre à chaque jour; recommandation qui était présente depuis 1942. Aussi, le terme “portions” a été précisé pour l’ensemble des groupes. Par exemple, une portion de viande ou de substituts est établie à 60-90 g, une portion de céréales à 125-250 ml (assez large comme référence!) et une portion de légumes ou de fruits à 125 ml.

   

 

1982 : Guide alimentaire canadien

Alors que les anciens guides avaient comme but la prévention des carences nutritives, la version de 1982 ajoutait à son arsenal la prévention des maladies chroniques liées à l’alimentation. Tandis que l’accent mis sur l’importance de la variété continuait à être encouragé, de nouveaux messages visant l’équilibre énergétique (équilibre entre l’apport et la dépense énergétique) et la modération sont apparus. Le concept de « modération » s’attaquait principalement aux nutriments qui étaient liés directement à l’augmentation des maladies chroniques. Ainsi, les Canadiens étaient encouragés à limiter leur consommation de matières grasses, de sucre, de sel et d’alcool afin de réduire l’incidence des maladies chroniques liées à l’alimentation.

   

 

1992 : Guide alimentaire canadien pour manger sainement

Ce guide marque l’apparition de l’arc-en-ciel alimentaire et d’un nouveau nom qui positionne mieux son objectif de “manger sainement”. Il comporte toujours 4 catégories mais celles-ci ont toutes changé de nom. On a désormais les produits céréaliers, qui est la catégorie la plus importante, les légumes et fruits, les produits laitiers et les viandes et substituts. C’est toutefois la première fois que la catégorie “Autres aliments” incluant des aliments et boissons ne faisant pas partie de l’un des quatre groupes alimentaires est ajoutée au Guide. 

Un autre changement important c’est le concept de portions. Auparavant, les guides identifiaient les exigences minimales, obligeant ceux qui avaient des besoins plus élevés à choisir eux-mêmes plus de nourriture. Or, la version de 1992 proposait aux personnes ayant des besoins énergétiques plus importants de consommer un plus grand nombre de portions de produits céréaliers et de légumes et fruits, un concept illustré graphiquement par les bandes d’arc-en-ciel plus larges réservées à ces groupes alimentaires comparativement à celles réservées aux produits laitiers et aux viandes et substituts. 

   

 

2007 : Bien manger avec le Guide alimentaire canadien

Quinze ans plus tard, l’arc-en-ciel du Guide alimentaire canadien refait son apparition, mais c’est désormais la catégorie des fruits et légumes qui est la plus importante. Le nom du groupe Produits laitiers a été changé pour Lait et substituts, afin de reconnaître d’autres sources alimentaires de calcium comme les boissons à base de soya enrichies que consomment les personnes qui ne boivent pas de lait.

L’approche est encore basée sur le principe de rations, mais plusieurs conseils y sont ajoutés. On fait notamment la promotion de l’activité physique, on met l’accent sur la qualité des choix alimentaires pour la prévention de maladies chroniques et on donne des recommandations spécifiques pour certaines tranches d’âge et de sexe. De plus, le guide porte désormais le nom de Bien manger avec le Guide alimentaire canadien.

C’est également la première fois de l’histoire des guides alimentaires canadiens qu’un guide conçu spécifiquement pour les Premières Nations, Inuits et Métis voit le jour. Celui-ci est adapté en proposant des aliments traditionnels, mais aussi en prenant en compte la disponibilité des aliments. Cette version du guide a été traduite en cri, en ojibwé et en inuktitut.

   

 

 

2019 : Bien manger. Bien vivre.

Fort attendu, le dernier guide alimentaire canadien est le fruit d’un long processus de consultation, basé sur les plus récentes et crédibles évidences scientifiques en matière de nutrition. Il guide les politiques alimentaires au pays et établit les fondements utilisés par les professionnels de la santé lorsqu’ils aident les Canadiens à bien manger. Plusieurs changements y sont apportés :

1) Adieu l’arc-en-ciel

Anciennement présenté sous la forme d’un arc-en-ciel, les nouvelles recommandations alimentaires sont exposées via une assiette « optimale ». Elle illustre un repas principal (déjeuner, dîner, souper) équilibré. Un visuel qui s’inspire fortement du modèle alimentaire de l’Assiette Santé du Harvard School of Public Health. Ainsi, le message principal de Santé Canada est : « Manger des légumes et des fruits en abondance, des grains entiers et des aliments protéinés. Choisir plus souvent les aliments protéinés d’origine végétale ». Voilà un discours d’actualité, qui considère autant la santé humaine que celle de l’environnement.

2) Exit les portions

Le nombre de portions, les catégories d’âge et les sexes ont complètement disparus. Le guide actuel nous encourage plutôt à s’inspirer du visuel de l’assiette pour mieux équilibrer nos repas. Il insiste sur l’importance de prendre le temps de savourer les aliments et de manger selon nos besoins. Une autre bonne nouvelle!

3) Aliments transformés pointés du doigt

Les Canadiens consomment de plus en plus de boissons et de produits transformés, lesquels sont une source importante de sodium, de gras saturés et de sucre. Comme ces nutriments nuisent à la santé, Santé Canada nous encourage à lire les étiquettes nutritionnelles pour les repérer (en précisant de rester vigilant face au marketing alimentaire!), tout en limitant notre consommation d’aliments ultra transformés et riches en ces nutriments (ex. boissons sucrées, repas congelés, charcuteries, pâtisseries). À l’inverse, le guide nous encourage à cuisiner plus souvent, puisque les mets maison préparés à partir d’aliments frais sont généralement plus nutritifs. On nous invite aussi à miser sur les bons gras (ex. noix, graines, avocat), lesquels sont bénéfiques à la santé du cœur.

4) Produits laitiers : moins visibles mais toujours recommandés

Même si le nouveau guide nous encourage à « faire de l’eau notre boisson de choix » (ce qui est une excellente recommandation!), il n’a pas banni le lait. Dans ses exemples d’aliments protéinés, le GAC inclut le lait et les yogourts plus faibles en matières grasses, ainsi que les fromages plus faibles en gras et sodium. Les produits laitiers sont également présents dans les recettes mises à notre disposition sur le site du Gouvernement du Canada. Ce dernier permet aussi d’accéder à des études et à une multitude de trucs et de conseils pour nous aider à mieux manger. Le site sera bonifié de nouvelles informations au courant de l’année.

En bref, le nouveau guide alimentaire est davantage axé sur le plaisir de bien manger. Il nous encourage à prendre conscience de nos habitudes alimentaires, à cuisiner plus souvent et à savourer nos repas en bonne compagnie. Après tout, une alimentation saine, c’est bien plus que les aliments que l’on consomme.

 

Conclusion

Dans tous les secteurs de la science, les connaissances évoluent et la nutrition n’en fait pas exception. Par exemple, au fil des ans, on a laissé derrière l’accent sur le lait et la viande, les intervalles de portions… et les mesures impériales! J’ai été fascinée par plusieurs aspects dont la reconnaissance de la vitamine D dès 1942 et les petits bonhommes qui partent en guerre pour l’édition de 1944! C’est également intéressant de constater que certains conseils sont restés les mêmes après tant d’années. Par exemple, la variété, la modération et la prévention de maladies chroniques sont certains concepts qui datent de 75 ans, mais qui sont encore tellement d’actualité.

Le guide de 2019 représente très bien l’état des connaissances actuelles, qui se résument finalement à manger plus de végétaux, à manger varié et à manger moins transformé. Ce consensus est adopté, à ma connaissance, partout ailleurs dans le monde. On peut penser à My Plate aux États-Unis, la pyramide alimentaire en Suisse ou la diète méditerranéenne.

Maintenant, à voir ce que le futur nutritionnel nous réserve!

Merci à Stéphanie Routhier pour sa collaboration à la rédaction de cet article.

 

Sources consultées :

Gouvernement du Canada. (2019, janvier). Guide alimentaire canadien.

McEvoy, J. (2019, 22 janvier). Guide alimentaire canadien : petite histoire d’un document controversé. Radio-Canada.

Santé Canada. (2010, 4 mars). Bien manger avec le Guide alimentaire canadien Premières Nations, Inuit et Métis.

Santé Canada. (2019, janvier). Historique des guides alimentaires canadiens de 1942 à 2007

Santé Canada. (2002). Les guides alimentaires canadiens, de 1942 à 1992.

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