Comprendre la faim émotionnelle
- Votre grand-mère a préparé votre dessert d’enfance. Malgré que vous n’ayez plus faim, vous le mangez quand même parce qu’il vous rappelle de beaux souvenirs.
- Vous marchez sur la rue et soudainement, une odeur de beigne vous donne faim!
- Vous avez passé à travers un sac de chips parce que vous êtes déprimé.
- Vous étiez dans un resto avec des amis et la nourriture était tellement bonne que vous avez dû détacher vos boutons de pantalon en fin de soirée.
Comme vous pouvez le constater, la faim émotionnelle est profondément liée à nos sens, à notre histoire et à nos états d’âme, et elle peut être déclenchée par une multitude de facteurs et d’émotions. Qu’il s’agisse de la nostalgie d’un dessert de grand-mère qui réveille des souvenirs réconfortants, d’une sensation olfactive qui éveille une envie soudaine de manger, d’un besoin de réconfort face à la déprime, ou du simple plaisir intense et du partage social qui nous pousse à dépasser la satiété physique.
La faim émotionnelle se manifeste parfois soudainement, concerne des aliments généralement sucrés, gras ou salés, et ne disparaît pas après avoir mangé. Ainsi, on peut dire que la faim émotionnelle ne cherche pas à combler un manque physique de nourriture ou d’énergie, mais plutôt un vide ou un besoin émotionnel.
Les déclencheurs de la faim émotionnelle
Il existe plusieurs déclencheurs courants de la faim émotionnelle, que l’on pourrait regrouper en 3 catégories :
- Les émotions négatives : Le stress, l’anxiété, la tristesse, la colère… peuvent tous mener à manger pour se réconforter. La nourriture agit alors comme une source de consolation ou de soupape pour libérer la pression. Elle permet aussi de détourner l’attention de sentiments douloureux et peut même masquer temporairement des pensées difficiles. L’ennui, la solitude ou un vide intérieur peuvent aussi trouver du réconfort dans la nourriture. Les aliments occupent alors l’esprit et le temps, donnent l’illusion d’avoir « un ami » avec soi et apportent du plaisir gustatif qui comble un vide.
- Les émotions positives : La joie, les célébrations, les moments festifs ou l’idée de se récompenser avec de la nourriture peuvent aussi déclencher des envies de manger, même en l’absence de faim physique. La faim émotionnelle est alors un moyen de prolonger un sentiment de joie ou de bien-être, de se récompenser après un effort ou une réussite, ou simplement pour ressentir une sensation agréable quand d’autres sources de plaisir manquent.
- Les habitudes : Les habitudes jouent un rôle important dans le déclenchement de la faim émotionnelle, car elles créent des associations fortes et souvent inconscientes entre des situations et l’acte de manger. Par exemple, si chaque soir, après le souper (déclencheur), vous vous assoyez devant la télévision avec un sac de chips (réponse), votre cerveau va progressivement associer la télévision à la consommation de chips, même si vous n’avez pas faim physiquement. L’envie devient un réflexe conditionné. Idem si chaque fois que vous allez au cinéma, vous commandez du popcorn, ou encore, si vous prenez un café et un muffin chaque fois que vous passez devant la boulangerie de votre quartier. L’activité ou le lieu devient un signal qui déclenche l’envie de manger, indépendamment de la faim réelle.
Quand manger ses émotions devient néfaste
À nouveau, manger ses émotions est un mécanisme tout à fait normal. Par contre, les faims émotionnelles ne sont plus saines lorsqu’elles entraînent des conséquences négatives significatives sur votre santé physique, votre bien-être mental ou votre relation avec la nourriture. Voici quelques exemples pour mieux comprendre :
- Si la faim émotionnelle mène à une consommation excessive de calories, contribuant à un surpoids.
- Vous avez l’impression de ne pas pouvoir vous arrêter de manger une fois commencé.
- Vous pensez constamment à la nourriture, aux régimes, à votre poids.
- Vous consommez majoritairement des “aliments réconfortants” ultra-transformés et pauvres en nutriments.
- Si manger est la seule ou la principale façon de gérer vos émotions.
- Vous n’êtes plus capable de distinguer la faim physique de la faim émotionnelle, ou de reconnaître la satiété.
Si vous vous reconnaissez dans ces situations, il s’avère intéressant de consulter un professionnel de la santé, comme une nutritionniste spécialisée en comportement alimentaire ou un psychologue. Ces experts seront en mesure de trouver des stratégies adéquates pour la gestion de vos émotions.
Pistes de solution
Même si je ne suis pas spécialisée dans les comportements alimentaires, je crois que les étapes ci-dessous sont un bon point de départ pour mieux comprendre vos faims émotionnelles et peut-être vous aider à répondre à vos envies, au-delà de l’assiette. À nouveau, ces pistes de solution concernent uniquement les faims émotionnelles qui nuisent à la santé ou au quotidien.
Étape #1. Distinguer et identifier. Commencez par vous interroger : “Ai-je vraiment faim physiquement (creux dans le ventre, gargouillements, baisse d’énergie)? Si la faim physique est absente, demandez-vous : « Qu’est-ce que je ressens en ce moment ? ». Identifiez l’émotion (stress, ennui, tristesse, joie).
Étape #2. Valider l’émotion. Une fois l’émotion identifiée, reconnaissez-la sans jugement. Dire : « Je suis triste en ce moment » est la première étape pour y répondre d’une autre manière que par la nourriture.
Étape #3. Expérimenter des solutions alternatives. Trouvez une activité non alimentaire que vous aimez pour compenser votre envie de manger. Par exemple : écouter de la musique, aller promener votre chien, faire de la lecture, faire un mot croisé, danser dans votre salon, faire des jeux logiques sur votre ordinateur, faire de la méditation, tenir un journal intime, etc. L’idée est d’apprendre à créer de nouvelles associations entre une situation ou des émotions, et l’acte de manger.
Parfois, vous savez d’avance qu’une situation risque de vous générer du stress — un examen, une réunion importante, une journée bien remplie… Dans ce cas, pourquoi ne pas préparer vos outils émotionnels à l’avance? Par exemple, si vous anticipez du stress, vous pourriez planifier un moment pour faire une technique de relaxation ou une pratique de pleine conscience (respiration, méditation, visualisation). En prenant soin de vos émotions en amont, vous diminuez les chances que celles-ci se traduisent plus tard par des fringales.
Étape #4. Installer une bonne routine alimentaire. Lorsque vous êtes rassasié mentalement et physiquement, les tentations alimentaires sont moins alléchantes. Du coup, ne sautez pas de repas! Mangez des repas réguliers et équilibrés. Oubliez les aliments interdits qui ne font qu’amplifier le désir de manger. Assurez-vous de consommer assez de protéines et de fibres à chaque repas pour mieux contrôler la faim tout au long de la journée. Et n’oubliez pas de dormir suffisamment. Le manque de sommeil perturbe les hormones de la faim, ce qui peut influencer les choix alimentaires.
Étape #5. Quand l’envie de manger persiste, adopter une approche sans culpabilité. Si vous cédez à une fringale émotionnelle, il est essentiel de ne pas dramatiser. Cela fait partie d’un processus d’apprentissage. Soyez donc bienveillant(e) envers vous-même dans ces moments. Un outil qui peut s’avérer utile est de noter dans un journal vos épisodes de faim émotionnelle : le moment, les aliments désirés, l’émotion ou l’élément déclencheur. Cela vous aidera à prendre du recul, à mieux comprendre vos déclencheurs émotionnels et parfois même à désamorcer l’envie simplement en l’écrivant.
Accepter l’envie du moment
Lorsque vous avez envie d’un aliment en particulier, même si vous savez qu’il s’agit d’une fringale émotionnelle, je vous propose deux pistes :
- Donnez-vous la permission de manger cet aliment, comme un biscuit, en le savourant pleinement. Arrêtez-vous lorsque le plaisir diminue. J’aime dire : « Plus il y a de plaisir par bouchée, moins il y a de bouchées! ».
- Évitez de substituer cet aliment par quelque chose de plus « santé » (ex. une pomme), si ce n’est pas ce que vous désirez. Souvent, vous finirez par manger le biscuit après la pomme, ce qui peut engendrer de la frustration. Accordez-vous plutôt la permission de le manger, ce qui vous aidera à passer à autre chose plus rapidement.
En résumé, le but n’est pas de lutter contre la nourriture, mais plutôt de comprendre ce qui se cache derrière l’envie de manger et d’y répondre de la façon la plus juste pour vous. Alors, la prochaine fois qu’une fringale émotionnelle se présente, accueillez-la avec curiosité plutôt qu’avec jugement. À nouveau, si les fringales émotionnelles deviennent trop présentent dans votre quotient, et nuisent à votre bien-être global, n’hésitez pas à consulter un professionnel.
Merci à Josiane Piquette-Régimbald, étudiante en nutrition, pour sa collaboration à cet article.