Qu’est-ce qu’une maladie inflammatoire?
Une maladie inflammatoire chronique est due à une réponse anormale du système immunitaire qui engendre une inflammation non contrôlée dans le corps. Elle peut toucher autant les organes que les tissus (ex. peau, articulation, système digestif), et peut finir par les endommager. Ainsi, les symptômes varient selon la région atteinte : fatigue intense, gonflements dans les pieds, raideurs, douleurs articulaires ou abdominales, diarrhées, etc. Or, plus l’inflammation corporelle est grande, plus les symptômes seront nombreux et douloureux.
Qu’est-ce que le régime anti-inflammatoire?
D’entrée de jeu, il faut savoir qu’il n’existe pas une définition précise de l’alimentation anti-inflammatoire. Malgré tout, la littérature scientifique est claire sur le fait que certains aliments ont bel et bien des propriétés anti-inflammatoires.
À ma connaissance, la revue de la littérature la plus complète à ce sujet a été réalisée en 2018 par des chercheurs italiens de l’Université de Pavie, et publiée dans le Journal de Cambridge. Ceux-ci ont révisé 172 études qui avaient comme sujet l’alimentation anti-inflammatoire ainsi que l’alimentation pour traiter la douleur chronique. C’est ainsi qu’ils ont pu élaborer une pyramide pour guider les choix alimentaires des gens souffrant d’une maladie inflammatoire. Aujourd’hui, je vous partage le fruit de leur travail. À noter qu’il ne s’agit pas d’une diète « miracle » et que selon la maladie et la sévérité des symptômes, les bienfaits peuvent grandement varier d’une personne à l’autre. Les mécanismes qui relient la nutrition, l’inflammation et la douleur sont très complexes et demeurent encore, à ce jour, à explorer.
Eau : 1,5 à 2 litres d’eau par jour
Le niveau d’hydratation semble avoir une influence directe sur la perception de la douleur. Voilà pourquoi une bonne hydratation quotidienne est à la base de la pyramide.
Légumes et les fruits : au moins 5 portions/jour
Consommés quotidiennement et généreusement, les fruits et légumes peuvent diminuer les marqueurs inflammatoires (ex. CRP, IL-6,TNF-alpha) grâce aux divers composés qu’ils contiennent comme les fibres, les substances phytochimiques (ex. caroténoïdes, isoflavones, indoles), la vitamine C, la vitamine E et le folate. Qui plus est, les fibres stimulent la production de bonnes bactéries au niveau du microbiote, lesquelles améliorent la perméabilité intestinale et réduisent l’inflammation.
Une portion correspond à 250 ml (1 tasse) de légumes feuillus ou à ½ tasse (125 ml) de légumes frais, surgelés ou en conserves.
Les grains entiers : 3 portions/jour
La consommation quotidienne d’une variété de produits céréaliers à grains entiers est également recommandée. Le son et le germe présents dans les grains entiers sont de vraies mines d’or de fibres, de composés phytochimiques, de vitamines et de minéraux divers, lesquels sont associés avec une diminution des marqueurs inflammatoires dans le sang.
De plus, il a été démontré que les hausses rapides de la glycémie suite à l’ingestion de produits céréaliers raffinés étaient associées à une réponse inflammatoire. Du coup, les grains entiers s’avèrent protecteurs contre l’inflammation étant donné leur faible indice glycémique.
Une portion correspond à 125 ml (1/2 tasse) d’orge mondé, de riz brun, de flocons d’avoine, de quinoa, de sarrasin ou de pâtes de blé entier, par exemple.
L’indice glycémique (IG) d’un aliment reflète la rapidité avec laquelle un aliment fait augmenter la glycémie (le taux de sucre dans le sang). Les aliments ayant un indice glycémique élevé augmentent la glycémie plus haut et plus rapidement que ceux à faible indice glycémique. Concrètement, si on prend l’exemple des grains, une tranche de pain blanc aura un IG élevé alors qu’une tranche de pain de blé entier aura un IG faible.
L’huile d’olive extra-vierge : à tous les jours
Les olives sont majoritairement composées d’acides gras mono-insaturés, reconnus pour leurs propriétés anti-inflammatoires. Elles contiennent également la molécule oléocanthal, un composé phytochimique aux propriétés antioxydantes, qui a l’action de ralentir la libération de prostaglandines, des molécules pro-inflammatoires.
La recommandation est de consommer quotidiennement de l’huile d’olive extra-vierge (pour la cuisson, en vinaigrette) et de consommer hebdomadairement des olives (sur les salades, par exemple).
Dans une étude de 2005, des chercheurs ont démontré que l’oléocanthal avait des effets anti-inflammatoires similaires à l’ibuprofène. Oui oui, aux Advils!
Même si les dosages sont loin d’être similaires (2 tasses d’huile d’olive pour 1 comprimé d’ibuprofène lol!), il a été démontré que des petites doses tous les jours avaient tout de même un effet protecteur en ce qui concerne l’inflammation et les maladies cardiovasculaires.
Les légumineuses : 4 repas par semaine
Le soya : 1 repas par semaine
Selon les études, lorsque les sujets adoptent une alimentation plus végétale, en remplaçant la viande par des légumineuses, les marqueurs inflammatoires sont diminués. Du côté du soya, son action bénéfique reposerait sur l’activation d’un récepteur qui empêche la production de molécules pro-inflammatoires.
La recommandation est de faire aussi souvent que possible des lentilles, des pois chiches, des haricots… du tofu, du tempeh et des edamames, les vedettes de vos assiettes!
Le poisson (oméga-3) : 4 repas par semaine
Les oméga-3 d’origine animale (acide docosahexaénoïque – DHA, et acide eicosapentaénoïque – EPA), surtout présents dans les poissons gras (ex. saumon, maquereau, sardines, thon), sont doublement gagnants en matière d’inflammation. Ils ont la capacité de supprimer la production de molécules pro-inflammatoires et de stimuler la synthèse de molécules anti-inflammatoires.
Pour bénéficier de ces effets, la recommandation est de consommer du poisson 4 fois par semaine. Si vous n’aimez pas le poisson ou que vous n’en consommez pas assez, il est conseillé d’opter pour un supplément offrant 1200 mg de DHA et 1800 mg de EPA.
Les noix et les graines : 30 g/jour
Les noix et les graines sont également reconnues pour leurs propriétés anti-inflammatoires, qui viennent notamment de leur teneur intéressante en oméga-3, en acides gras polyinsaturés, en magnésium et en vitamine E. Les plus protectrices en ce qui a trait au mécanisme d’inflammation sont les noix de Grenoble, les pistaches, les graines de lin et les graines de citrouille.
La recommandation est de consommer environ 30 g de noix et graines par jour, particulièrement des noix de Grenoble et des pistaches.
Les épices et les fines herbes : à tous les jours
Les deux épices anti-inflammatoires par excellence sont le curcuma et le gingembre. Pour bénéficier de leurs avantages sur le contrôle de la douleur, il faudrait toutefois en consommer de très grandes quantités. Par exemple, il s’agit de 75 ml (1/3 tasse) pour le curcuma en poudre! Voilà pourquoi la supplémentation en curcumine (ingrédient actif du curcuma) et en gingérol (ingrédient actif du gingembre) est recommandée afin d’atteindre des doses thérapeutiques pouvant apporter un soulagement aux personnes souffrant d’une maladie inflammatoire.
Un composé nommé β-caryophyllène, présent dans de nombreuses épices telles que l’origan, la cannelle, le romarin, le thym et le poivre noir serait également impliqué dans la modulation de l’inflammation.
La recommandation est de consommer quotidiennement des épices et des fines herbes, en particulier le curcuma et le gingembre, pour leurs actions antinociceptive et anti-inflammatoire.
Les suppléments alimentaires : au besoin
Puisque certains nutriments comme la vitamine D, la vitamine B12, les oméga-3, les fibres, le zinc et le sélénium sont impliqués favorablement dans la gestion de l’inflammation, et donc de la douleur, assurez-vous de ne pas souffrir de carences alimentaires. Pour le savoir, discutez-en avec votre professionnel de la santé. Au besoin, un supplément alimentaire pourra être suggéré.
La diète occidentale est-elle pro-inflammatoire?
Comme vous venez de le voir, une alimentation riche en végétaux, comme les fruits et légumes, les légumineuses, les noix et les graines, est favorable à une réponse inflammatoire normale. À l’opposé, une diète occidentale typique, c’est-à-dire riche en viande rouge et en aliments ultra-transformés, est reconnue pour augmenter l’inflammation corporelle et du coup, pour accentuer les douleurs chroniques liées aux maladies inflammatoires.
Les aliments ultra-transformés comme les plats surgelés, les mets prêts à manger et les charcuteries contiennent souvent de grandes quantités d’acides gras de type omega-6, lesquels sont des précurseurs de molécules pro-inflammatoires. Certaines recherches ont également suggéré que certains additifs souvent présents dans les aliments ultra-transformés, comme le polysorbate 80, la carraghénine et les édulcorants artificiels, pourraient aussi contribuer à l’inflammation.
La consommation de viande rouge est également associée à une concentration élevée de marqueurs d’inflammation dans le sang. Or, l’inflammation est diminuée lorsque la viande rouge est substituée par des viandes maigres (poulet, dinde) et encore plus, lorsqu’il s’agit du poisson et des légumineuses. Voilà pourquoi la pyramide anti-inflammatoire suggère de consommer la viande blanche 2 fois par semaine et la viande rouge seulement 1 fois par semaine.
Conclusion
À nouveau, une alimentation riche en végétaux gagne les honneurs! Que vous souffriez ou non d’une maladie inflammatoire, manger quotidiennement et généreusement des aliments d’origine végétale sont bénéfiques à une bonne santé. Et si vous souffrez d’une maladie inflammatoire qui vous fait souffrir, alors n’attendez plus pour végétaliser davantage votre alimentation. L’important, ce n’est pas de faire un régime strict, mais plutôt d’intégrer des aliments anti-inflammatoires quotidiennement et de faire un petit changement à la fois.
Merci à Stéphanie Routhier pour sa collaboration à cet article.
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